Colloque | Expérience et nature de John Dewey, 100 ans après

Argumentaire

Ce colloque célèbrera le centenaire d’Expérience et nature (1925) du philosophe pragmatiste américain John Dewey. 

En retraversant la majorité de ses chapitres, nous souhaitons restituer l’ampleur et l’originalité de cet ouvrage ; celui-ci marque en effet un moment décisif dans l’élaboration des grands thèmes de la pensée de Dewey, qu’il s’agisse de son empirisme et de son naturalisme, de sa conception linguistique et sociale de l’esprit, de son esthétique et sa théorie des valeurs, ou encore de ce qu’on peut interpréter comme une métaphysique.

Nous chercherons également à revisiter les grands débats interprétatifs qui ont structuré sa réception, et à interroger certaines influences de Dewey.

Enfin nous questionnerons l’actualité de cet ouvrage et la fonction "critique" qui peut être la sienne aujourd’hui. Par exemple, son effort de déconstruction du dualisme nature-culture fait de Dewey un auteur potentiellement fécond pour examiner les cadres intellectuels dont nous héritons et les transformations qui y sont nécessaires pour répondre aux crises politiques et écologiques multiformes que nous traversons.

Argumentaire détaillé

Ce colloque entend célébrer le centenaire d’un des ouvrages majeurs du philosophe pragmatiste américain John Dewey, Expérience et Nature, paru en 1925.

Ce livre apparait en premier lieu comme un carrefour incontournable de l’œuvre de Dewey, dont le colloque tentera de restituer l’ampleur, l’originalité et la valeur pour les différents champs philosophiques qu’il engage. Ce livre témoigne en effet d’un effort inédit de synthèse et de renouvellement des principaux thèmes de la pensée deweyenne. Il représente une étape décisive dans la réflexion de Dewey sur la philosophie, sur place qu’y a l’expérience comme objet et comme méthode, et sur sa fonction de « critique » de la culture. L’auteur y renouvelle également sa conception instrumentale de la connaissance en développant une approche originale du langage et de la signification, qu’il lie à une théorie sociale de l’esprit. Par ses développements originaux sur la dimension qualitative de l’expérience et de la nature, Dewey commence aussi à y développer une philosophie de l’art associée à une théorie naturaliste des valeurs. Enfin, ce livre propose ce qui dans son œuvre se rapproche le plus d’une métaphysique, bien que l’on puisse l’interpréter comme une anthropologie philosophique générale.

Ce caractère central permettra deuxièmement de revisiter plusieurs grands débats interprétatifs qui ont structuré la réception de la pensée de Dewey – qu’il s’agisse de distinguer une lecture méthodologique d’une lecture métaphysique, d’y saisir l’influence d’un William James aussi bien que d’un Hegel, d’interroger les liens du pragmatisme, de l’empirisme et du naturalisme de Dewey, ou encore de se demander ce que ce naturalisme peut apporter à la fonction « critique » de la philosophie, dans sa vocation pratique, sociale et politique. Il s’agira ainsi de faire droit à la diversité des lectures de ce livre, mais aussi à ses difficultés et à ses ambiguïtés, dans la mesure où elles reflètent les tensions plus générales de la pensée de l’auteur.

Ce centenaire sera enfin l’occasion d’interroger l’actualité d’Expérience et nature, dans un geste que cet ouvrage semble lui-même appeler. Relire ce livre cent ans plus tard à l’aune de son ambition « critique », c’est y voir autre chose qu’un pur travail spéculatif, qu’il soit métaphysique ou anthropologique, pour au contraire interroger les problèmes culturels qui l’ont occasionné – problèmes dont ce colloque invite à questionner l’actualité. Par exemple, son effort de déconstruction du dualisme nature-culture fait de Dewey un auteur potentiellement fécond pour examiner les cadres intellectuels dont nous héritons et les transformations qui y sont nécessaires pour répondre aux crises politiques et écologiques multiformes que nous traversons. Dès lors qu’il revendique le caractère empiriquement informé de ses analyses, Dewey nous invite à réexaminer ses thèses à la lumière de l’évolution des matériaux empiriques et scientifiques disponibles et des transformations historiques ultérieures. Il s’agira ainsi d’apprendre de cette œuvre maîtresse, en déterminant ses antécédents et ses conséquences, mais en interrogeant aussi la façon dont on peut en hériter aujourd’hui.

Programme du colloque
 

Jeudi 27 novembre

9h15 : Accueil des participants et du public

9h30-9h45 : Ouverture du colloque

9h45-10h45 : Roberta Dreon (Ca’Foscari Venise)
"La complexité stratifiée de l'expérience chez Dewey : Hégélianiser James, Jamésianiser Hegel" (origines du livre)

10h45-11h : Pause café

11h-12h : Louis Guichard (Jean Moulin Lyon 3)
"L'habitude entre précarité et stabilité : Dewey sur la métaphysique et la critique culturelle" (chap. 2 et 10)

12h-13h30 : Pause déjeuner

13h30-14h30 : Mathias Girel (ENS PSL)
"L'esprit et l'émergence des significations" (chap. 5-7)

14h30-15h30 : Pierre Steiner (UTC Compiègne) :
"Ouvrir la conscience : l’expérience et ses connexions" (chap. 8)

15h30-16h : Pause café

16h-17h : Aline Wiame (Toulouse 2)
"L'enquête scientifique est un art. Héritages de Dewey dans le dispositif d'enquêtes citoyennes "Où atterrir ?""

Vendredi 28 novembre

9h-10h : Stéphane Madelrieux (Jean Moulin Lyon 3)
"L'art est-il vraiment le point culminant de la nature ?" (chap. 9)

10h-10h30 : Pause café

10h30-11h30 : Claude Gautier (ENS Lyon)
"La "critique de la critique" n’est-elle que philosophique ? Quelques remarques à propos du chapitre 10 d’Expérience et Nature"

11h30-12h30 : Arto Charpentier (Jean Moulin Lyon 3) :
"Pour une lecture méthodologique de la métaphysique de Dewey. Enquête sociale et construction de l’interdisciplinarité" (chap. 10)