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Peut-on étendre l’éthique du soin à l’environnement ?
Aliènor BERTRAND
"Peut-on étendre l’éthique du soin à l’environnement ?" / "Can the ethics of care be extended to the environment ?"
► Publication dans le cadre de la revue Éthique, politique, religions. 2013, n°3.
Résumé
L’éthique du care peut-elle être prise pour modèle de l’éthique environnementale ? Le care ou l’absence de care portés à la nature peuvent-ils être des instruments de critique sociale et politique efficaces ? L’objet de cet article est d’évaluer l’ambition de renversement de nos relations au monde naturel revendiqué par l’éthique du care. L’examen des spécialisations sociales et des hiérarchisations des relations de soin se construit à partir d’une interrogation essentielle : qui sont les acteurs du care (« Who cares ? »). Or il n’existe aucune analogie évidente entre cette question et celles que l’on pourrait initier pour étendre l’éthique du care à l’environnement : « Who pollutes ? » ou même « Who destroys ? ». Les critiques formulées par Joan Tronto à l’égard d’Ulrich Beck et l’analyse de notre relation aux animaux menée par les théoriciennes du care montrent que l’extension du care à l’environnement oblige soit à engager une enquête économique et sociale irréductible à la description du système de domination hiérarchisé des genres et des races, soit à se cantonner à poser des principes d’actions éthiques sur un fondement individuel de type écocitoyen, ou sur un fondement genré de type éco-féministe. Seule la première alternative répond à l’ambition de transformation sociale radicale à laquelle aspire l’éthique du care. Mais dans ce cas, est-il cohérent et réaliste d’envisager de renverser les rapports de force sociaux produits par le capitalisme par la seule revendication d’une démocratisation du care se passant d’une éthique affirmée des droits et des lois ?Abstract
Is it possible to base an environmental ethic on an ethic of care ? Can care, or the absence of care, be an effective lever for social and political critique ? The object of this article is to assess the extent to which the ambition of the ethic of care – radically rethinking our relation putting our relations to the natural world – can be realized. The study of social relations based on care can be summed up by the question : “Who cares ?”. There is no obvious analogy between this question and those that are supposed to extend the ethics of care to environmental topics : “Who pollutes ?” or “Who destroys ?”. The criticisms addressed by Joan Tronto to Ulrich Beck, as well as the analysis of our relation to animals put forward by the theorists of care, show that extending care to the environment can imply two forms of engagement : 1. a socio-economic analysis which does not simply describe a system of domination based on genders and races ; 2. an attempt to found the principles of ethical action on an individual basis, as in the case of eco-citizenship, or on a gendered basis, as in the case of eco-feminism. Only the first of these alternatives realizes the ambition of radical social transformation to which the ethic of care aspires. This raises the question of whether it is coherent and realistic to reverse the social balance of power produced by capitalism thanks to a democratization of care, without a strong ethic of rights and laws.► Publication dans le cadre de la revue Éthique, politique, religions. 2013, n°3.
Dates
Créé le 10 février 2014